D’origine paysanne, la famille s’installe dans la cité au cours du XVIe siècle et plusieurs Pictet deviennent alors artisans. C’est avec Ami (1535-1607), qui devient syndic en 1575, que les Pictet réalisent une ascension sociale et accèdent pour la première fois à la plus haute magistrature de la République, l’équivalent d’un conseiller d’Etat aujourd’hui.
Avec André Pictet (1609-1669) dit «le Magnifique», la famille Pictet compte l’un des plus importants leaders politiques genevois du XVIIe siècle, sept fois syndics et quinze fois chargés de missions diplomatiques. A une époque où Genève, république protestante et indépendante, est au centre de nombreuses tensions internationales, il conserve les alliances et les équilibres politiques avec le royaume de France, la maison de Savoie et les cantons suisses, afin de préserver les intérêts de sa patrie.
Implantés depuis le XVe siècle dans le faubourg de Saint-Gervais, les Pictet s’installent progressivement dans la ville haute, marque de leur nouveau statut. Le syndic Jacques Pictet-Du Pan (1643-1721) fait par exemple aménager un immeuble, aujourd’hui au numéro 15 de la Grand-Rue, dont la façade est ornée des armoiries de la famille.
A noter qu’en l’honneur de Jacques, alors général d’artillerie pour la République, les armes de la famille seront frappées sur un canon, dit « le Singe », fondu en 1721 et exposé aujourd’hui en vieille ville sous l’ancien arsenal.
A la Restauration, les Genevois trouveront en Charles Pictet de Rochemont (1755-1824) un véritable homme d’Etat qui marquera durablement la destinée de la petite République et celle de la Suisse. Envoyé par Genève, puis par la Suisse, à Paris, à Vienne et à Turin, il négocie le désenclavement du territoire genevois en vue de son rattachement à la Confédération, et rédige la déclaration signée par les grandes puissances européennes reconnaissant la neutralité perpétuelle de la Suisse (traité de Paris de 1815).
Avec les révolutions des années 1840, le patriciat, majoritairement d’obédience libérale, voit son influence politique être contestée par le nouveau pouvoir radical. Des Pictet continuent cependant à s’engager en politique, comme par exemple Gustave (1827-1900) qui, en tant que député au Grand Conseil, puis conseiller national, est l’un des rares politiciens genevois du XIXe siècle à lutter contre la fraude électorale. Il est un partisan de l’extension du référendum au niveau cantonal et propose que les conseillers aux Etats soient élus directement par le peuple, et non par le Grand Conseil comme c’était alors le cas. Ce projet sera adopté en 1893.
Député au Grand Conseil et au Conseil municipal de la Ville de Genève, Paul Pictet (1862-1947), homme de plume, crée en 1898 le quotidien «La Suisse» afin de défendre les idées libérales.
En héritier de Charles Pictet de Rochemont, il se bat pour la conservation des zones franches issues du traité de Paris de 1815. Afin d’assurer les échanges économiques régionaux, le traité avait placé la ligne des douanes françaises à l’ouest du Jura, de manière à ce que le Pays de Gex se trouve hors de cette ligne et puisse commercer librement avec la Suisse. Après la Première Guerre mondiale, la France discute avec la Suisse la suppression de ces zones franches. Paul Pictet forme un comité d’opposition, réunit les signatures et porte le sujet au vote référendaire. Le peuple suisse lui donne raison et refuse la convention franco-suisse.
Cette affaire dura neuf ans et valut à Paul Pictet le sobriquet de «roi des zones».