Jusqu’à l’adoption de la Réforme à Genève, les Pictet vivent dans la foi catholique. Pierre, premier Pictet à devenir bourgeois de Genève en 1474, patronnait dans l’église paroissiale de Neydens une «chapelle» sous le vocable de la Vierge Marie.
A cette époque, Genève est une petite cité gouvernée par un prince-évêque qui jouit d’un double pouvoir, spirituel et temporel, au sein du Saint-Empire romain germanique
La Communauté de bourgeois, enrichie par le succès des foires de Genève, cherche progressivement à s’émanciper de l’influence de l’évêque. Lors de la Réforme en 1536, l’évêque est déchu de ses pouvoirs et la Communauté de bourgeois lui succède dans tous ses droits, possessions et privilèges.
Jean Calvin, juriste d’origine française, se donne pour mission de faire de Genève un modèle de communauté protestante. Il organise le pouvoir religieux, la nouvelle Eglise, par des «Ordonnances ecclésiastiques» (1541), et transforme le pouvoir politique par des «Edits civils» (1543). Les Genevois adoptent leur devise «Post Tenebras Lux».
La famille donne à l’ancienne République quatre ministres du culte.
Parmi eux se trouve Jérémie Pictet-Dupuis (1613-1669), à l’origine de la branche puinée de la famille et premier Pictet propriétaire du Reposoir. Jérémie sera pendant vingt-cinq ans le pasteur de Saint-Gervais, paroisse à laquelle les Pictet restent attachés jusqu’aujourd’hui. C’est en effet dans le faubourg de Saint-Gervais, le quartier artisan de Genève, que les premiers Pictet s’installent au cours du XVIe siècle. Pendant deux siècles, ce sera le quartier de la famille dans lequel ils possèderont plusieurs maisons, notamment à la rue du Temple, avant « d’émigrer » dans la ville haute.
Bénédict Pictet (1655-1724), élevé dans la communauté des réformés lucquois de Genève, devient pasteur et professeur
de théologie à l’Académie (ancêtre de l’Université) où son enseignement marque le passage à une ère nouvelle du calvinisme. Car si Bénédict a été élevé dans le calvinisme le plus stricte, il n’en reste pas moins ouvert à l’influence de la philosophie cartésienne qui le pousse à chercher un meilleur équilibre entre foi et raison.
Après la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV en 1685, des centaines de milliers de protestants français partent en exil et passent notamment par la Suisse. Pas moins de 30’000 huguenots transitent par Genève, qui se retrouve alors dans une situation difficile : sa population de 15’000 habitants sur un petit territoire ne peut absorber un tel afflux de réfugiés ; de plus, la république du bout du lac est depuis un siècle très dépendante politiquement et économiquement de la France, puissant voisin qu’il s’agit de ne pas fâcher. Néanmoins, la solidarité s’organise et les Genevois accueillent, souvent temporairement, et parfois définitivement les nombreux réfugiés.
Bénédict, de nature tolérante et conciliante, s’implique activement dans les grandes polémiques de son temps. Il rédige entre autres plusieurs écrits pour défendre les protestants français, ainsi qu’un traité à l’attention des athées et des sceptiques. Il restera toute sa vie un ardent défenseur des huguenots avec qui il correspond régulièrement, et dont il accueille les leaders, comme le languedocien Antoine Court.
Il est aussi directeur entre 1687 et 1703 de la bourse française de Genève, institution dédiée à porter secours passagers et assistance médicale aux réfugiés protestants.
Brillant orateur, Bénédict attire par ses prêches les foules à la cathédrale Saint-Pierre. Nombre de ses sermons et de ses publications sont à l’époque de vrais best-sellers de la religion protestante, comme «La Morale chrétienne ou l’Art de bien vivre» (1693) ou la «Theologia Christiana» (1702), ouvrage traduit en allemand et en hollandais.
La veine pastorale est encore vivante dans la famille avec plusieurs Pictet qui embrasseront cette carrière aux XXe et XXIe siècle.